Il serait bien trompeur de s'arrêter aux stéréotypes récents issus de la mode Gangsta pour appréhender la figure complexe du maquereau dans la culture noire américaine. Si les Snoop-Dogg, 50-cent et autres Ice-T se plaisent à jouer les hommes à fourrure dans leurs clips ou sur grand écran, ils ne font finalement que remettre au goût du jour une figure ancrée dans une tradition orale et écrite qui remonte au début du siècle. La pierre angulaire de cette mythologie est l'ouvrage d' Iceberg Slim "Pimp", qui décrit la trajectoire sombre et violente de l'auteur dans les bas-fonds de Chicago et de diverses villes américaines, des années 20 aux années 50. Le roman autobiographique de Slim, couche d'ailleurs par écrit des anecdotes appartenant à la culture urbaine de l'Amérique et mettant en scène des personnages à la fois ignobles et fascinants. Ignobles parce qu'ils s'élèvent sur l'horreur des traitements infligés aux femmes, sur l'exploitation des "michetons" et nagent dans les eaux troubles de la corruption, de la drogue et de la violence. Fascinants parce que dans leur mode de vie s'exprime à la fois rejet et résignation sur la condition des afro-américains. Iceberg Slim exprime à maintes reprises son aversion pour la condition des noirs, leur vie misérable, l'oppression dont ils sont victimes. Pourtant, chez lui, ce rejet se traduit par une dynamique individualiste et violente, par la volonté de s'en sortir au mépris voire au détriment d'autrui, sans remords. En même temps, cette quête est sans illusion. Le monde des riches blancs lui sera toujours fermé, il n'en doute pas. Il se réfugie plutôt dans le mépris pour les clients blancs de "ses filles". Tout en exprimant la volonté de s'extraire d'une condition misérable, le Pimp finit donc par illustrer les frustrations et l'enfermement de la communauté noire, voire par l'entretenir. Il rejoint ainsi les figures du "hustler" et plus récemment du "dealer". Le "Ten Crack Commandment" de Biggie doit d'ailleurs beaucoup à Iceberg Slim et à son "grand livre du mac".
Le mythe est réactivé dans les années 1970 par ses nombreuses incarnations cinématographiques et télévisuelles. Il y a bien sûr Huggy Bear dans Starsky & Hucth (pas la daube sur grand écran, l'original de la petite lucarne!!), mais surtout tous les personnages de ce type dans le courant blaxploitation : Shorty the pimp, Willie Dynamite, le bad guy de Coffy, etc, etc. Sur le terrain musical, les bandes originales de ces films multiplient donc les occurences. Mais un des projets musicaux qui ont eu le plus d'influence est sans doute le travail de Lightnin' Rod (Jalal des Last Poets) sur l'album "Hustler's Convention". Dans ce mélange de rap et de bon gros funk (les instrus sont de Kool & the Gang), ce pionnier semble donner vie et voix aux personnages de Slim, rois des chambreurs à l'accent impayable, animaux à sang froid et à grandes gueules toujours prêts à sortir leur lame pour régler leurs comptes.
Dans son usage récent, le maquereau a sans doute fini d'exprimer la moindre aspiration. Pour les rappers, il incarne plus l'homme à femmes au pouvoir de séduction dominateur, le manieur de dollars à gourmette 200 carats. Son insertion dans la communauté, avec ce qu'elle exprime de frustration, de même que la signification destructrice de son action a été largement gommé des esprits. Au plus grand bénéfice de l'état de fait ! Il y a de quoi se lamenter, un peu comme quand Scarface devient l'icône de la réussite individualiste, alors que c'est surtout un héros tragique, non pas maître de son destin mais victime du jeu destructeur de l'oppression et de ceux qui en tirent profit.
Ce texte a été rédigé il y a déjà quelques années mais était resté inédit.
Dans son usage récent, le maquereau a sans doute fini d'exprimer la moindre aspiration. Pour les rappers, il incarne plus l'homme à femmes au pouvoir de séduction dominateur, le manieur de dollars à gourmette 200 carats. Son insertion dans la communauté, avec ce qu'elle exprime de frustration, de même que la signification destructrice de son action a été largement gommé des esprits. Au plus grand bénéfice de l'état de fait ! Il y a de quoi se lamenter, un peu comme quand Scarface devient l'icône de la réussite individualiste, alors que c'est surtout un héros tragique, non pas maître de son destin mais victime du jeu destructeur de l'oppression et de ceux qui en tirent profit.
Ce texte a été rédigé il y a déjà quelques années mais était resté inédit.