Steely Dan - Aja

Mardi 21 Avril 2009

Je suis certain que vous avez déjà vécu la même chose : il pleut, vos essuie-glaces balaient le pare -brise, mais jamais au même rythme que la musique que vous écoutez.
Vous vous amusez alors à compter combien de temps mettent les balais à se caler sur le rythme exacte du batteur,…Tout les 4 temps… les 7 temps…et puis ahh ! Enfin, l’espace d’une dizaine de secondes, il semblerait que tout soit bien calé, et puis le cycle revient à la normale, vous rappelant que ce n’était qu’une illusion…

J’ai passé un nombre d’heures incalculables dans diverses voitures à y croire, mais jamais je n’ai vu s’opérer ce miracle…Il semblerait que se soit fait exprès pour retenir l’attention du chauffeur, le tenir en éveil ou je ne sais quoi..
J’y ai vraiment cru l’autre jour sous cette pluie battante, tandis que je mettais ce disque de Steely Dan dans mon autoradio…
Eh non, encore perdu !, j’y étais presque pourtant, c’était rageant je vous assure…

C’est là que je me suis décidé à retenir cette anecdote pour qu’elle me serve d’introduction à la chronique d’Aja.


Steely Dan - Aja
Le tempo de cette première chanson « Black Cow » n’est peut être pas calé sur le mouvement de mes essuie-glaces, par contre elle dure exactement 5.10 mn, et ça, c’est exactement le temps que j’ai mis tout à l’heure en voiture pour aller de chez moi à la poste, à la seconde près.

L’occasion était trop belle pour me dire qu’il me fallait écrire ce papier.

J'aime bien ces moments harmoniques qui donnent un parfum spécial à mon parcours, comme si tout était régit rien que pour moi …

Aja est définitivement l’album à classer dans la catégorie des disques pour voyager en voiture. Si j’étais patron d’une grande marque automobile, j’aurais équipé l’un de mes plus beaux modèles avec ce disque à l’intérieur en cadeau… Une belle voiture décapotable noire avec un petit filet rouge, des sièges confortables du même coloris, et une sono sobre, à l’ancienne, donc de très haute fidélité.

Aja de Steely Dan, sorti en 1977 est le fruit de la collaboration des plus grosses pointures du jazz de la cote ouest de l’époque et de deux types de New York qui se connaissent depuis leur enfance : Donald Fagen et Walter Becker. L’un nourrit au jazz des années 50, l’autre au blues de la même période.

Ayant émigré de la Big Apple à Los Angeles depuis quelques années, ils sont maintenant en contact permanent avec une scène en constante émulation, des centaines de musiciens à la recherche de contrat, et auront tout le temps de mettre la main sur les sidemen les plus prestigieux du moment pour jouer exactement la musique qu’ils veulent.

On peut avouer sans conteste qu’ils auront eu le nez fin : retrouver sur un même album les noms de Chuck Rainey, Larry Carlton, Lee Ritenour, Bernard Purdie entre autre relève presque de l’insolence… Je dirais « Un line up aux allures de dream team au service de compositions d’un rare raffinement »
Tout ici n’est que savants dosages et alchimie parfaite. Un sans faute, ou plutôt si : la pochette est ouvrante, et ils auraient pu inclure un second disque...

Il fallait oser le faire quand même… faire comprendre à Paul Humphrey qu’ils voulaient son jeu de batterie et aucun autre sur « Black Cow », un jeu carré, sans dispersions… Convoquer pour le même morceau Joe Sample et Tom Scott pour teinter de soul ce magnifique titre en down tempo… Une réussite parfaite, une voix légèrement nasillarde, sans trémolos, un timbre exceptionnel au service d’un texte bien pensé, toujours juste dans ces tranches de vie.

Il semblerait que l’influence de leur passé à New York ressurgisse sur chaque texte.

Ils garderont cet art de focaliser sur un personnage, un contexte avec une justesse élégante, toujours en demie teinte, et pleine de sous-entendus…

Derrière ce titre viens « Aja », pour lequel ils convoqueront Steve Gadd pour maitriser les solos de batterie, et Wayne Shorter pour un solo de sax qui deviendra légendaire. Ce dernier révélera plus tard qu’il fut très surpris d’avoir été pressenti, ne sachant pas trop ce que le duo exigeait de lui. Le saxophoniste écouta alors le début et la fin du morceau, et a joué en improvisant en live, comme ça, instinctivement. Cette chanson est conçu telle une suite, des tempos différents se succédant pour revenir à une base initiale très douce…
Huit minutes de jazz, de pop…comment qualifier cette merveille ?

On ne pouvait terminer cette face avec plus d’élégance :

7.30 pour rendre hommage au mode de vie qu’ont ces musiciens de seconde zone un peu paumés… Donald Fagen entre trop bien dans la peau d’un type qu’on prend pour un looser sans reconnaissance : « They got a name for the winners in the world, i want a name when i loose » Les chœurs sont d’une douceur infinie, avec le timbre de Clydie King entre autres.

C’est Bernard Purdie qui assurera ici le tempo, et Larry Carlton la guitare.
« Deacon blue » est selon moi, une chanson qui rend une grâce légitime à ces musiciens qui écument les bars de nuit, et à qui l’on prête peu d’attention. Il y a comme une juste compassion dans l’interprétation de Donald Fagen…


Voici « Peg » pour ouvrir la face B !

A la batterie maintenant on fait appel à Rick Marotta pour qu’il suive ce tempo rapide et frais pendant ces quatre minutes, Michael McDonald dans les chants hauts perchés, et un jeune guitariste définitivement embauché après qu’ils en aient fait défilé six ou sept : Steve Khan, rien de moins…

Ensuite « Home at last » : retour de « Pretty Purdie » aux fûts ; toujours Chuck Rainey à la basse, et Mr Carlton à la guitare.
Certainement quelques réminiscences nostalgiques de la vie New Yorkaise à mon goût…
5.30 mn dans un rythme très tranquille qu’assurera le batteur avec comme toujours cette précision métronomique.

Tempo très rapide pour « I got the news » : Ed Greene fera ici sa seule apparition dans l’album en assumant la batterie pendant cinq minutes .S’il est un titre qui mérite l’appellation jazz-rock, c’est bien celui-ci…

Et enfin « Josie » qui restera leur titre préféré, le plus funky de l’album, un titre qui n’en finissait pas, des répétitions incessantes pour que la magie finisse par s’opérer, laissant certains musiciens ébahis par le résultat.
La basse de Chuck Rainey y est magnétique, la batterie elle, sera confiée à un dernier invité : Jim Keltner, au jeu tout en retenu.
4.30 pour prouver que l’on peut aussi danser dans sa voiture…

Qui est Josie ? Le texte ne le dira pas, mais laisse planer une ambigüité « She’s the raw flame, the live wire »; « When Josie come home to stay, we gonna park in the street… ». Les textes de Steely Dan ont souvent plusieurs lectures…
Ils ont tracé de nombreuses lignes … entre lesquelles il faut lire parfois.
Donald Fagen et Walter Becker on réussit leur pari au-delà même des espérances de tous les protagonistes. Les musiciens témoigneront de la quête de perfection que le duo s’efforcera à atteindre dans ce disque.
Il atteindra rapidement les premières places des charts, sera acclamé par toute la presse, et restera encore jusqu’à aujourd’hui un monument de perfection. Il fait beau maintenant, le ciel s’est éclairci, mais j’ai curieusement hâte qu’il se remette à pleuvoir, juste pour voir encore une fois si cet autre album pourrait se synchroniser sur le mouvement de mes nouveaux essuie-glaces.

LIENS

www.steelydan.com

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Michel G.


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