How deep is your funk ?

Lundi 19 Mai 2008

How deep is your funk ?
"Deep Funk"... Une appellation contestée par certains, un vague jeu de mot scabreux peut-être, mais plus profondément, un regard sur la musique qui mérite qu'on s'y intéresse, pour la musique elle-même bien sûr, mais aussi pour sa dimension historique et/ou historienne.

Plus qu'une anecdote, l'origine de l'expression "Deep Funk" révèle une logique de réappropriation voire de réinterprétation de la musique qui enrichit la musique elle-même. Petit rappel des faits. La formule "Deep Funk" fut proposée par Keb Darge pour désigner une nouvelle soirée londonienne, au début des années 1990. A cette époque, Londres vibrait encore au souvenir de la déferlante "Rare groove" qui mélangeait jazz, soul et funk des années 1960 et 1970 et permit progressivement l'émergence de productions modernes et d'artistes contemporains. Rebondissant sur la quête du break des DJ hip-hop, les DJ "Rare Groove" s'efforçaient de proposer des morceaux méconnus, piochant dans les catalogues de label jazz comme Blue Note ou Prestige, déterrant des raretés funk ou redécouvrant les collections d'illustration sonores. Cependant, le public comme les DJ accordèrent de plus en plus d'importance aux productions modernes, devenues l'Acid Jazz, puis à la House.
Or, pour certains, le "Rare Groove" n'avait fait qu'écorcher la surface d'une production musicale pléthorique mais profondément enfouie à l'abri de la mémoire collective. Ceux qui firent ce constat s'appuyaient sur une connaissance hors norme et originale, accumulée au fil de la fréquentation d'autres scènes musicales ou grâce une pratique de collectionneur déjà intensive. Dès les années 1970, en plein âge d'or de la Northern Soul, Keb Darge, DJ écossais, avait amoncelé dans son grenier des dizaines de cartons de 45t ramenés des Etats-Unis. Longtemps obnubilé par la Soul, il n'aborda le Funk avec une oreille nouvelle qu'à partir du milieu des années 1980. Déjà maître de son sujet à l'arrivée du Rare Groove, il voulut prolonger la fête. Snowboy, DJ londonien passé par les scènes Jazz Dance et Rockabilly connaissait déjà sur le bout des doigts différents genres (Soul, Jazz, Latin, Rythm'n'Blues, etc) et s'était lui aussi pris d'intérêt pour le Funk au fil de ces explorations. Enfin Malcolm Catto et Ian Wright, par leur acharnement de collectionneurs, avaient déjà mis la main, dès cette époque, sur de nombreuses productions obscures.

A l'origine du mouvement "Deep Funk" il y a donc une dynamique particulièrement intéressante. Elle était alimentée par une connaissance qui embrassait largement tous les genres de la musique noire américaine et qui, au fil des cheminements personnels, avait intégré le Funk. Elle s'appuyait sur un savoir-faire de collectionneur/digger déjà affûté, qui permettait déjà une maîtrise des références ou des filons. Elle était enfin animée par une véritable "pulsion de partage", par la volonté d'offrir au public une musique méconnue mais que le "Rare Groove" l'avait préparé à apprécier.

Mais que recouvre au juste cette notion de Deep Funk ?

Le positionnement par rapport au Rare Groove est assez signifiant : "We play funk, but deeper funk" s'exclame Keb Darge. Il est question de proposer ainsi toute une myriade de petite productions, de morceaux tirés à quelques exemplaires et diffusés dans des circuits locaux (radio, concerts, etc). Le DJ écossais propose un archétype social qui résume le Deep Funk : un jeune noir du Texas, musicien et pompiste à mi-temps, économise sur son salaire pour enregistrer avec son groupe un ou deux morceaux et graver un 45t qu'ils pourront vendre lors de leurs concerts, conserver en souvenir ou distribuer autour d'eux. Cette micro-production constitue la trace d'un tissu culturel qui s'étale dans tous les Etats-Unis, partout où les communautés noires sont suffisament nombreuses pour qu'existent des petites salles de concert, des groupes, une scène locale. Mais dans les petites villes que les têtes d'affiche fréquentent rarement, ce sont ces musiciens de l'ombre qui enfilent le bleu de chauffe pour enflammer les soirées.
Selon Darge, et bien des morceaux sont là pour l'attester, ce contexte produit une musique plus intense. L'objectif est de frapper un grand coup car ce sera peut-être le seul, d'imiter les plus grands, et qui sait de les dépasser pour se faire une place. Une musique plus brute aussi, du fait des conditions de sa production et de son enregistrement. Pas de matériel pour des expérimentations ou une prise de son sophistiquée. Pas le temps pour des prises multiples. Tout repose sur l'énergie dépensée en quelques heures de studio.

Alors le Deep Funk n'est pas un style musical en soi. Il n'est pas un courant et on pourrait même dire qu'il n'a pas de véritable cohérence artistique car les morceaux classés dans la catégorie Deep Funk suivent parfois des directions très différentes. Nombre d'entre eux s'appuient sur des recettes existantes car l'imitation est le moyen d'accéder au public, de se raccrocher à sa culture musicale et à ses goûts du moment. Référence majeure, le style musical et vocal de James Brown est sans cesse repris, ingurgité, digéré, remodelé. D'autre, iront chercher du côté de Kool & the Gang ou des Meters. Mais la contrainte du public et la formation des musiciens eux-mêmes tissent aussi énormément de liens avec les sonorités ou les arrangements du Blues, du Rythm'n'Blues ou de la Soul.

La véritable définition du Deep Funk n'est pas non plus dans la rareté des disques. La rareté n'est que la conséquence matérielle d'une réalité sociale et culturelle dissipée voire enfouie sous les logiques du succès commercial qui façonnent la mémoire collective de la musique sur le long terme. En 1970, les jeunes noirs écoutaient sans aucun doute les disques de James Brown sur leur pick-up, mais le samedi soir, ils allaient danser au son d'un groupe qui reprenait les morceaux qu'ils aimaient tout en y apportant sa patte et en proposant ses propres réinterprétations du genre. Longtemps masqué, souterrain, ce paysage musical réel est déterré par bribes, chaque fois qu'un 45t sort d'une boîte poussiéreuse pour rejoindre la platine d'un DJ.

LIENS

www.madamejojos.com

Interview de Keb Darge audio +++ écouter
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